Dans l’espace qui est classiquement situé à la droite des Républicains, malgré sa « richesse » historique de multiples courants et traditions, parfois farouchement opposés, la situation pour la présidentielle 2017 en termes de candidatures sera relativement simple, les complexités et les difficultés venant davantage du positionnement stratégique et de l’après-présidentielle.
1. Même si l’orientation Philippot lui donne un positionnement et un électorat presque plus à gauche, globalement, qu’à droite, le FN continue d’être placé à l’extrême-droite. Cela reste logique au regard des origines et des idées de nombre de ses cadres intermédiaires et d’une partie de la direction nationale (Aliot, Bay, Rachline, Ravier, etc.), qui se font plus discrets tant que la ligne Philippot produit des résultats électoraux.
Malgré sa consécration émergente au sein d’une tripolarité complexe, l’horizon n’est pas serein pour le FN. Prosaïquement, il perdra cette année un thème traditionnel de victimisation : la quête des 500 signatures. Avec ses succès électoraux aux municipales, départementales et régionales, il n’est désormais plus menacé d’être exclu de la présidentielle (ce qui ne s’est en réalité d’ailleurs produit qu’en 1981, à une époque groupusculaire et alors que le PFN de Pascal Gauchon faisait transitoirement un peu d’ombre).
L’évidence de la candidature de Marion Anne Perrine « Marine » Le Pen renvoie le débat de fond à la future défaite, en fonction du moment (1er ou 2nd tour), des circonstances (Juppé ou Sarkozy comme vainqueur) et de l’ampleur de celle-ci. Ce débat opposera alors les deux lignes, celles de Florian Philippot et de Marion Maréchal-Le Pen, fondées à la fois sur les différentes politiques (européenne, économique, sociale, sociétale, etc.) et sur la stratégie et la tactique électorales (alliance ou non avec la droite, recherche de nouveaux électorats à droite ou consolidation de l’ancrage populaire, etc.).
Déjà, l’émergence de velléités d’affirmation, voire de candidature, de la part de Robert Ménard ou de Renaud Camus, montrent que la « recette » magique du père Le Pen (parvenir à fédérer tous les courants d’extrême-droite, du solidarisme à l’élitisme fascisant, du paganisme à l’intégrisme catholique, des identitaires aux ex-chevènementistes, des nationalistes aux européanistes, des crypto-reaganiens aux ouvriéristes, des technocrates aux intellectuels,…) commence à ne plus fonctionner.
L’espace occupé est trop grand, trop vaste, trop difficile à maintenir durablement rassemblé. La proximité du pouvoir fait que, fonctionnellement, chaque tendance peut souhaiter s’imposer pour faire prévaloir sa ligne. D’une certaine manière, le PS (de Collomb à Filoche) ou LR (d’Apparu à Peltier) sont confrontés aux mêmes problèmes. Mais, pour le FN, c’est nouveau : il est « riche », désormais, et fait face aux problèmes correspondants.
Ayant gagné à gauche après 2011, en se renforçant encore chez les ouvriers et en progressant fortement chez les employés, mais aussi complétant ses succès sur la droite (déjà acquise dans l’électorat artisan, commerçant) en mordant sur les agriculteurs (ce qui est largement nouveau) et sur une partie de la bourgeoisie (ce qui s’était déjà vu dans les années 1980) et des catholiques (ce qui est totalement nouveau) avec le délitement sociétal, le risque terroriste et l’impopularité croissante de l’Europe, le FN a aujourd’hui probablement atteint un palier aux régionales. Peut-être pas un plafond si un Juppé président dégarnit sa droite, mais un ralentissement.
En tous les cas, son électorat s’est solidifié. Le plus volatil et le plus incertain jusqu’aux années 2000, il est devenu le plus solide et le plus fidèle, voire le plus mobilisé en cas de perspective de victoire, locale ou nationale (voir la différence entre sa déception aux départementales et sa bonne prestation aux régionales, par rapport aux sondages préélectoraux). Cela montre certes qu’il reste un électorat opportuniste et que le FN conserve une fonction utilitariste, de réceptacle des contestations.
Cependant, jusqu’en mai 2017, personne ne remettra en cause, en interne, le leadership de Marine Le Pen. Lorsqu’une dynamique est positive et que l’électorat et les positions de pouvoir s’élargissent, les critiques se taisent, tout le monde souhaitant bénéficier des retombées positives ; ne pas être accusé d’être un diviseur et d’être le responsable d’un éventuel échec ; hériter ou prendre possession, le moment venu, d’un outil fort. En outre, plus le temps passe, plus la structure partisane se renforce (même si les cadres locaux restent assez indigents), plus le financement public se solidifie, moins les dissidences seront probables.
Ainsi, en laissant, après les régionales et l’échec du 2nd tour (et de la stratégie de « splendide isolement » et le succès même précaire et baroque d’une sorte de cordon sanitaire anti-FN), perdurer la ligne Philippot, Marion Maréchal-Le Pen a su faire preuve de patience et se réserver pour l’analyse de l’échec futur de 2017. Elle pourra alors plus facilement critiquer l’incapacité à briser le « plafond de verre » et incarner une alternative interne, après la déception.
Au sein de l’espace occupé par le FN, une seule surprise serait ainsi envisageable : que… Jean-Marie Le Pen lui-même tente d’être candidat… pour continuer de harceler sa fille. Mais son état physique diminué, sa marginalisation au sein du monde du FN et l’absence de tout avantage comparatif en termes politiques et électoraux ne lui permettraient pas de réunir 500 signatures et d’empêcher sa fille de le faire. Toutefois, un petit épisode médiatique du « Menhir » n’est pas à exclure, avec la complicité des médias, friands d' »histoires » à nous conter… Après tout, cela nous changera un peu de Macron 😛
2 En ce qui concerne l’extrême-droite hors FN, son caractère groupusculaire et l’aspect folklorique de certains de ses impétrants ne laissent aucune chance aux Carl Lang ou Henry de Lesquen de parvenir à se présenter.
La force propre du FN et aussi de la « marque Le Pen », même transmutée de père en fille, ont été démontrées amplement par l’écrasement de Bruno Mégret et des relativement nombreux hiérarques du parti qui l’avaient rejoint au sein du MNR, promu sur le papier à un meilleur avenir que la boutique du vieux bonimenteur pro-Algérie française. Pourtant, aucune brèche sérieuse, MNR ou autre (Mégret, Le Gallou, Lang, Martinez, Bompard,…), n’a jamais pu entamer le monopole du FN depuis plus de 30 ans.
En outre, même un Carl Lang (Parti de la France) ou un Paul-Marie Coûteaux (son intime conviction de sa supériorité personnelle sera peut-être contrecarrée par son échec récurrent sur le plan purement pragmatique de la politique politicienne) ne pourraient compter sur des signatures de droite : celle-ci est trop légitimiste et d’ordre pour se risquer à soutenir des petites candidatures qui diviseraient, alors que la primaire est bien là (en théorie) pour rassembler et permettre l’expression de sensibilités qui mordent sur la droite de la droite (par souverainisme, par conservatisme social, par esprit sécuritaire). Les « jeux » dans l’espace auparavant occupé par Pasqua et le CNIP ne reprendront qu’après la présidentielle et en fonction du résultat de celle-ci et de l’anticipation du paysage des législatives. Nous y reviendrons.
3. Dans l’espace de la droite dure mais encore « responsable », c’est-à-dire issue du sérail et de l’élite même si les contestant fortement, les spéculations sur un retour de Villiers ou sur une candidature de Zemmour n’aboutiront pas. Sans force partisane suffisante, alors que la primaire de la droite et du centre absorbera en partie l’espace dévolu à cette zone (Sarkozy, Copé, voire Guaino) et que Ménard ou Collard ont préempté l’attention médiatique, il est déjà trop tard.
Si l’UPR de François Asselineau tentera de nouveau d’être présent, il est très peu probable qu’il parvienne à rassembler les 500 signatures, sa structure étant trop faible et presque résumée à un seul homme.
Qui plus est, la présence de Dupont-Aignan absorbe déjà une partie de l’espace gaullo-souverainiste. Nicolas Dupont-Aignan bénéficie d’une dynamique porteuse et peut espérer un remboursement de ses frais de campagne avec un score supérieur à 5 %. Il mord sur une partie de LR, comme aux régionales, le contexte terroriste, migratoire et européen l’avantageant. Tous les candidats potentiels de LR, même Sarkozy, apparaissent trop pro-européens aux yeux d’une frange conservatrice et souverainiste. Le possible « Brexit » pourrait renforcer ce mouvement.
Il convient cependant d’être prudent, le vote utile pouvant jouer à droite, lorsque Hollande rebondira quelque peu ou lorsque Sarkozy, si c’est lui, entrera en campagne: l’électeur conservateur veut surtout se débarrasser de l’honni Hollande. Villiers lui-même, certes souverainiste mais pas gaulliste et donc sur un créneau différent, n’a jamais réussi à atteindre les 5 %.
Dupont-Aignan n’a d’ailleurs pas de spécificité suffisamment forte sur le souverainisme, par rapport au FN, pour s’imposer vraiment et être, à droite, l’égal d’un Mélenchon. Il agit surtout comme un « parasite » toléré et parfois utile de LR (comme EELV, jusqu’au ralliement partiel de fin 2015, ou le PCF pour les socialistes).
4. En fin de compte, la seule concurrence un peu sérieuse pour Marine Le Pen pourrait venir de… la gauche.
Si le président sortant va faire feu de tout bois à partir de l’automne pour flatter sa gauche (et a déjà commencé avec les cadeaux dignes des potentats du tiers-monde ou des autoritaires Erdogan ou Poutine : enseignants, SNCF, intermittents, outre-mer, tout en soignant les électorats communautaires : langue arabe à l’école, clins d’œil de Valls aux Juifs, commémorations « sectorielles » et instrumentalisées), l’agitation autour de la loi El-Khomri et les saillies de Macron (le costard, le tutoiement, l’ISF –celui des autres et le sien!-,…) vont remobiliser la gauche de la gauche et redonner un espace à Mélenchon.
Il n’est donc pas exclu que celui-ci parvienne à reprendre –un peu- au FN. Certes, son électorat est désormais peu « populaire » et surtout intermédiaire, enseignant, « secteur public », en partie bobo. Mais un petit retour de flamme « social », à l’ancienne, à la communiste, pourrait bien coûter 1 à 2 points à Marine Le Pen, dont le choix du silence médiatique est de plus en plus difficile à tenir.
Celle-ci ne peut décemment pencher davantage sur sa gauche au regard des tiraillements qu’expriment la liberté de parole de MMLP, les initiatives de Ménard ou l’apparition d’idées de candidatures de « renouvellement ». La CGT peut donc repartir à la conquête d’électeurs perdus pour le vieux communisme.
5. Pour conclure ce tour d’horizon général des candidatures possibles, le paysage semble peu porteur de surprises majeures.
J’opterai pour deux solutions alternatives:
Arthaud / Poutou / Mélenchon / Duflot / Hollande / Lassalle / Juppé / Dupont-Aignan / Le Pen
Arthaud / Poutou / Mélenchon / Duflot / Hollande / Bayrou / Sarkozy / Dupont-Aignan / Le Pen
avec des compléments possibles : Cheminade, Cavada, sans exclure une candidature exploitant l’ire des maires (Troadec, Mumbach) et une candidature « alternative » (Larrouturou?).
Je ne parviens en revanche pas à croire dans les Hulot, Macron, Montebourg et autres « surprises » ou faux dissidents, ainsi qu’exposé au fil des articles de ce blog.
Quoi qu’il en soit, souhaitons une décantation la plus rapide possible, afin que les sondages puissent être simplifiés, donc moins coûteux et donc plus nombreux… C’est évidemment un vœu pieux et je crains de ne pouvoir commencer à publier l’indicateur agrégé que le 28 novembre… 😡 Au moins pourrons-nous faire du rétrospectif et le calculer depuis la fin 2015.
A propos du nombre insuffisant et de la périodicité bien trop fragmentaire et erratique des sondages en France, je signale aux plus férus des lecteurs de ce blog que j’ai ajouté, en bordure droite, un lien vers un site allemand proposant une actualisation en quasi-quotidienne de la moyenne des sondages… Evidemment, le système parlementaire est plus simple à sonder… même si l’exemple britannique de 2015 et l’échec des sondeurs (et la quasi-disette de sondages depuis… même pas un par semaine : My goodness !) peuvent décevoir.
Toutefois, la primaire de la droite et du centre va peut-être enfin compenser cette rareté des sondages. Nous y reviendrons très rapidement, avec le possible début d’un effritement de Juppé.